Jacques Rigaud : Une petite Grande Nation
- Jérome Bloch
- Jan 24, 2023
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De 1980 à 2000, j'ai été administrateur délégué de la CLT (Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion) en même temps que le président d'EDIRADIO, sa filiale à qui, à Paris, exploitait la marque RTL et produisait le programme de radio en langue française. Autant dire que, pendant ces vingt ans, j'ai été à moitié luxembourgeois, allant à Luxembourg presque toutes les semaines.
Un voyage...
Luxembourg aurait pu n'être pour moi qu'un siège social. Je n'y étais allé qu'une fois auparavant, dans les années soixante, au temps de la CECA, pour découvrir la jeune Cour de justice qui siégeait alors rue Notre-Dame. La fréquence de mes séjours a bientôt transformé mon regard sur le Grand-Duché. Quand, retiré de la vie politique, Pierre Werner devint président du conseil d'administration de la CLT, il se mit en tête de me faire découvrir son pays, se désolant que je ne connaisse que sa capitale. Avec sa voiture que je conduisais, nous avons ainsi parcouru souvent le Grand-Duché dans tous les sens, de Vianden à Esch-sur-Alzette et de Clervaux à Mondorf.
Une histoire...
C'est par cet homme d'État, l'un des pères de l'Europe unie, que j'ai appris la longue histoire, à la fois douloureuse et glorieuse, de cette « petite grande nation ». Mes autres partenaires de la Compagnie, Gaston Thorn, Mathias et Jules Felten, Gust Grass ont complété ces leçons et j'ai admiré que ce pays, qui a les dimensions géographiques et démographiques d'un département français moyen, ait réussi à se doter d'une élite politique, administrative et économique d'un niveau comparable à celui de ses grands partenaires de l'Union. Fruit de l'affrontement séculaire entre la France et l'Allemagne, « petit dernier » du Benelux, cet « État tampon » est une vraie nation, avec sa langue, son histoire, sa culture propre, son vouloir-vivre en commun. Si je suis un Européen convaincu, c'est en grande partie à lui que je le dois. Quand j'étais à Luxembourg, je voyais autrement la France et la mettais en quelque sorte en perspective, sans ramener tout à une vision franco-française.
Une mémoire...
Je n'oublie pas que, dans ces années où le pouvoir politique français, qu'il soit de droite ou de gauche, considérait que les radios dites alors « périphériques » devaient être aux ordres du pouvoir, tous mes efforts pour sauvegarder le pluralisme et l'indépendance de RTL ont été constamment soutenus par mes partenaires luxembourgeois, publics et privés.
Je sais ce que je dois au Grand-Duché. En participant à la création d'un centre culturel de rencontre à l'abbaye de Neumünster, j'ai cherché à acquitter une partie de ma dette envers lui. J'y reviens souvent, et j'ai l'impression d'y retrouver ma jeunesse et une partie de notre avenir.
À propos de Jacques Rigaud
Né le 2 février 1932 à Paris, Jacques Rigaud est un énarque, diplômé de l'institut d'études politiques de Paris et licencié en droit, Jacques Rigaud a publié de nombreux ouvrages et a été président directeur général d'Ediradio, qui exploite la marque RTL en France, de 1980 à 2000. Il a par la suite participé activement à la création du centre culturel de rencontre de l'Abbaye de Neumünster en s'inspirant de son expérience précédente au service d'un autre centre culturel de rencontre : celui de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon.